Le rumen est le plus connu des acteurs de la digestion. Mais il ne faut pas sous-estimer l’intervention et les rôles de l’intestin grêle ou du gros intestin. Des rôles qui ne se limitent pas à la digestion : l’intestin grêle assure un rôle de barrière protectrice des agressions microbiennes. La présence de nombreux neurones indique aussi une relation active avec le cerveau.

Il est d’usage de dire que nourrir une vache, c’est avant tout nourrir son rumen. Ce n’est pas tout à fait vrai pour la nutrition minérale : le phosphore, le zinc et la vitamine E ne sont en effet pas à usage exclusif des micro-organismes du rumen. Sans remettre en cause l’importance de ce dernier, de récentes études montrent que l’on a probablement trop longtemps négligé l’effet de la santé intestinale sur la digestibilité de la ration.

 

 

La digestion avant l’intestin

Commençons par un rapide état des lieux de la digestion pré-intestinale qui caractérise les ruminants. Avant d’atteindre l’intestin grêle, le bol alimentaire passe par l’œsophage, puis le rumen, le réseau, le feuillet et la caillette. Des milliards de micro-organismes fermentent la ration, du rumen au feuillet. Puis des acides et enzymes hydrolysent cette ration dans la caillette. Les aliments sont ainsi en partie transformés en nutriments : glucose, acides gras volatils, acides aminés…

 

 

Les enzymes en action dans l’intestin grêle

Ces nutriments atteignent ensuite l’intestin grêle, dont la longueur dépasse 40m. Des enzymes y poursuivent la digestion des aliments. Les cellules intestinales font transiter les nutriments vers la circulation sanguine. Mais la paroi intestinale est aussi une barrière qui empêche le passage des pathogènes (parasites, bactéries, virus…) et des toxines (mycotoxines…). L’intestin grêle est donc impliqué dans des fonctions nutritionnelles et immunitaires (cf figure 2).

Les nutriments passent d’autant plus efficacement dans le sang que la surface d’absorption, constituée des cellules épithéliales, est grande. Ce flux nutritionnel est maximal dans une situation saine. Des globules blancs s’occupent de bloquer les quelques agents pathogènes qui se présentent dans la lumière intestinale.

Les conséquences d’une infection microbienne digestive dépendent d’un côté de son importance, et de l’autre des capacités de défense immunitaire de l’animal.

 

 

Éviter les fermentations dans le gros intestin

Le bol alimentaire finit par arriver dans le gros intestin, composé du caecum et du colon (10 m de longueur). Des micro-organismes fermentent l’amidon et les fibres de la ration qui n’ont pas été digérés, ce qui représente jusque 5 à 10% de l’énergie de la ration : cette fermentation produit des acides gras volatils qui sont ensuite absorbés. Gressley et al.(2011) ont montré qu’un excès d’amidon au niveau du gros intestin entraine une baisse de pH et des bouses liquides… des symptômes qui indiquent une acidose au niveau du colon. Il est donc recommandé d’être vigilant à la dégradabilité ruminale et intestinale de l’amidon de la ration : cela évite une trop forte présence d’amidon au niveau du gros intestin. Des compléments alimentaires adaptés (tampon, pré-probiotiques, enzymes …) seront donnés à la vache, si nécessaire.

 

 

L’intestin se dévoile encore…

On sait maintenant que l’intestin communique étroitement avec le cerveau, grâce à la présence de centaines de millions de neurones : on parle parfois de deuxième cerveau. Les liens entre nutrition et signal nerveux sont encore mal connus et principalement étudiés chez l’homme à ce jour. Une étude américaine (Cryan et Dinan, 2012) a montré que des femmes qui consomment des produits laitiers enrichis en probiotiques seraient moins sensibles aux stimuli émotionnels négatifs, comme des visages exprimant de la peur ou de l’anxiété… A quand des études similaires sur le comportement des vaches laitières ?

 

 

Pathogènes et défenses intestinales : une histoire d’équilibre

La situation peut se dégrader au sein de l’intestin, lors d’une infection intestinale et de la multiplication des pathogènes. L’organisme réagit en mobilisant et activant ses défenses immunitaires, notamment les globules blancs. Une réaction défensive parfois suffisante pour endiguer l’infection. Mais le mal est fait : les agents pathogènes endommagent les cellules intestinales et réduisent ainsi le transfert de nutriments vers la circulation sanguine. Par ailleurs, ils augmentent la perméabilité intestinale en déstructurant les jonctions entre cellules : les pathogènes sont plus nombreux à pouvoir franchir la barrière intestinale. Par ailleurs, la réponse immunitaire, qu’ils ont provoquée, est consommatrice de glucose. Cette situation se traduit, à l’échelle de l’animal, par une baisse de la production laitière : la vache dispose moins de nutriments d’un côté. Et de l’autre, elle en utilise pour assurer la mobilisation de ses défenses immunitaires, entre autres l’activation des globules blancs. La vache peut y consacrer jusqu’à un kilo de sucres par jour, au détriment des besoins d’entretien et de production laitière (Kvidera et al., 2017).

Lorsque les défenses immunitaires sont affaiblies, les pathogènes les débordent rapidement et massivement. La situation devient très critique avec un fort endommagement des cellules épithéliales et des jonctions inter-cellulaires. Les facteurs de dégradation de l’immunité intestinale sont variés : baisse d’ingestion, acidose, cétose, stress thermique, stress social, stress oxydant, transition alimentaire, pathogènes immunosuppresseurs, mycotoxines…

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